LIEN POUR VOIR LE FILM ( en 3 parties) / A site to see the movie in 3 part :
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( PARTIE 1)
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(PARTIE 2)
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(PARTIE 3)
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L'industrie cinématographique
américaine, souvent à court de sujets,
entreprend chaque année de racheter les
scénarios des films étrangers à succès,
qui, avec le système monopolistique des
Etats-Unis, n'ont aucune chance de
faire carrière dans ce pays. Hollywood
les modifie selon des critères de gout
pretés au public américain et façonne
des remakes plus ou moins bons, avec de
grands moyens.
Le cas de La Jetée n'en est que plus étrange. Il s'agit d'un court
métrage (moins de trente minutes) à caractère expérimental, qui
eut une sortie commerciale discrète et dont la renommée,
immense dans le monde proprement cinéphilique, n'a cepen-
dant jamais dépassé un cercle restreint d'aficionados. De sur-
croît, il s'agit d'un film de 1962, en noir et blanc et en images
fixes, à la fausse allure de documentaire, donc uniquement
accompagné d'un peu de musique et d'un commentaire consé-
quent. On reste sidéré par le phénomène qui fit que trente ans
après la réalisation de ce film, un couple de scénaristes améri-
cains réputés, travaillant pour la Universal, se passionne pour
cette histoire et en tire un scénario quasiment infaisable, tant
son étrangeté déroutait le système de production des grands
studios. Mais il faut prendre la mesure du potentiel d'imagina-
tion que contient ce petit chef d'œuvre qu'est La Jetée.
> Les traces d'une époque
Son auteur en est Chris Marker. Personnalité secrète et
attachante, cet écrivain, photographe et cinéaste se promène
dans le cinéma français comme une sorte d'ovni. Le seul réali-
sateur auquel on peut et même on doit le rattacher est son
grand ami Alain Resnais, avec lequel il collabore à plusieurs
documentaires dans les années 50, dont Les Statues meurent
aussi, tranquille pamphlet au vitriol sur les crimes d'ethnocide
colonialiste, qui fut totalement censuré à l'époque. Puis, en
voyageur solitaire, Chris Marker se promènera sur les cinq
continents pour rapporter des films-témoignages qui mêlent la
réflexion intellectuelle et la rêverie poétique à un engagement
politique pur et dur.
Il en fut ainsi de La Jetée. Le film porte les traces idéologiques
de son époque. On est alors en pleine guerre froide. La mena-
ce atomique taraude les esprits. Le souvenir de l'univers
concentrationnaire nazi et sa terreur sont encore dans les
mémoires. La Jetéese construit sur ces traces toujours vives, qui
lui servent de strates. Pour accentuer le sens du discours,
Marker exagère l'idée politique d'une société parvenue à une
maîtrise totale, scientifique et technologique, qui ne laisse
aucune chance de liberté à l'Homme et le mue, comme le firent
les médecins nazis, en animal de laboratoire. Pour mener l'ar-
gument et son histoire à terme, Marker recourt à un genre lit-
téraire, encore fortement déprécié en 1960 et dont seuls
quelques rares passionnés comprenaient l'importance, la scien-
ce fiction. Et il choisit l'un de ses thèmes majeurs, la théorie de
la relativité et ses conséquences fictives sur la temporalité. Il en
privilégie le paradoxe supreme, celui du voyage dans le temps
qui permet àun individu d'assister à sa
propre mort.
> La mémoire
La Jetéerecoupe, par ailleurs, des préoccupa-
tions artistiques propres au petit groupe
constitué par Marker, Resnais et quelques
amis. D'abord, la place accordée au thème de
la mémoire - dans Les Statues meurent aussi,
dans Nuit et brouillardou dans Toute la mémoi-
re du mondede Resnais. Cette mémoire était
considérée en fonction de sa caractéristique
première, celle de fixer le souvenir, celle de retenir inexorable-
ment le temps, de forcer le passé à demeurer. Ce qui entraînait
des conséquences formelles considérées à l'époque comme anti-
cinématographiques. En effet, c'était vouloir accorder au langage
des mots, seul apte à formuler une réflexion, le rôle du mouve-
ment autour d'une image figée à jamais par la mémoire. C'était
s'attaquer à la doxa sur la nature du cinéma, dont on inversait
ainsi radicalement, donc politiquement, les principes établis.
Paradoxe de sophiste, certes, non dénué de préciosité et assumée
comme tel à partir d'un langage ornemental et fleuri, qui menait
à un cinéma différent et à une écriture originale. Ce paradoxe
permettait de prouver, ce qui est l'enjeu de La Jetée, que le mou-
vement au cinéma n'appartient pas à l'image mais à la pensée
qu'elle éveille. Et cette preuve ne pouvait s'établir qu'à partir de
la fiction anti-proustienne d'un temps non plus perdu ou retrou-
vé, mais arrêté, le temps de la mort. Nous sommes ainsi dans un
concept, érigé en manifeste, qui exclut l'idée reçue du cinéma qui
enregistre la vie.
Entre cette conception radicale et ce qu'en tirent les Américains
pour L'Armée des douze singes, il y a de multiples glissements. A
commencer par la problématique de l'image fixe et de l'image
mobile qui ne sera ni abordée ni résolue de la même manière
dans les deux films. Mais en beaucoup de points il existe des
■ AUTOUR DU FILM
La Jetéede Chris Marker
La JetéeL'Armée des douze singes
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Quelques références autour de
L'Armée des douze singes...
Sur Terry Gilliam
Jean-Marc Bouineau, Le petit livre de Terry Gilliam, Garches :
Spartorange, 1996.
Louis Danvers, Brazil de Terry Gilliam, Crisnée (Belgique) :
Yellow Now, 1988.
Terry Gilliam, Les aventures du baron de Munchausen, Paris :
Solar, 1989.
Articles etentretiens
« Terry Gilliam : un python et douze singes »,
L'Ecran fantastiquen°146, janvier 1996.
« Entretien avec Terry Gilliam », Positifn°289, mars 1985.
« Terry Gilliam et les Monty Python », La Revue du cinéma
n°403, mars 1985.
« Le Remake et l'adaptation », Cinémaction, 1989.
Sur le cinéma d'anticipation
Patrick Brion, Le Cinéma fantastique, Paris :
La Martinière, 1991.
Yves Aumont, Cinémas de science-fiction, Nantes :
L'Atalante, 1985.
Quelques références autour de
La Jetée etde Chris Marker...
« Chris Marker, La Jetée », L'Avant-scène cinéman°38, juin 1964.
« La Jetée », revue Image et Sonn°161/162, avril-mai 1963, et
n°165/166, septembre-octobre 1963.
« Le film de science-fiction menacé par la photographie et
sauvé par la bande-son », Roger Odin, Cinémas de la moderni-
té, films, théories, Colloque de Cerisy, Paris : Klincksieck, 1981.
« L'hypothèse Marker », La Revue de la Cinémathèquen°1,
mai-juin 1989.
« Chris Marker : montage cosmique et imaginaire singulier »,
Cinémactionn°72, 1994.
« A propos du CD-Rom Immemoryde Chris Marker », essais
de Laurent Roth et Raymond Bellour, Paris : Yves Gevaert
Editeur, Centre Georges Pompidou, 1997.
« Dossier Chris Marker », Positifn°433, mars 1997.
Quelques références pour en savoir
plus sur l'histoire etles métiers
du cinéma...
Sous la direction de Michel Ciment, Jean-Claude Loiseau et
Joël Magny, La petite encyclopédie du cinéma, Paris :
Editions du Regard, 1998.
Sous la direction de Jean-loup Passek, Dictionnaire du cinéma,
Paris : Larousse-Bordas, 1998.
Michel Chion, Le Cinéma et ses métiers, Paris : Bordas, 1990.
Quelques références pour en savoir
plus sur les méthodes d'analyse
de film...
Jean-Claude Fozza, Anne-Marie Garat, Françoise Parfait,
Petite fabrique de l'image : parcours théorique et thématique,
180 exercices, Paris : Magnard, 1989.
Jacques Aumont, Michel Marie, L'Analyse des films, Paris :
Nathan université, 1988.
Vincent Pinel, Vocabulaire technique du cinéma, Paris :
Nathan, 1996.
Autour de l'opération Lycéens au ciné-
ma :deux sites internetà consulter...
Le site de la Bibliothèque du film www.bifi.fr
Le site Image (CRAC de Valence, CNC)
www.crac.asso.fr/image
recoupements, voire des réminiscences volontaires. Celles-ci
sont davantage le fait des scénaristes américains, fascinés par la
fiction de Marker, que de Terry Gilliam, qui a refusé, à juste rai-
son, de voir La Jetée avant que son film soit terminé. Mais les
traces gardées par le script vont exciter l'imaginaire de Gilliam et
lui permettre de développer sa propre rêverie. D'abord le carton
qui ouvre La Jetée, « Ceci est l'histoire d'un homme marqué par
une image d'enfance », et qui sera filmé littéralement par Gilliam
et servira de leitmotiv à son film. Viendront ensuite les lunettes
effrayantes des savants, les supplices médicaux du patient qui sert
de cobaye, la course à la liberté par la fuite dans l'imaginaire et le
désir de refuge dans l'amour (flottant chez Marker, difficile et
agressif chez Gilliam), l'évocation du monde animal, les oiseaux
mais aussi les quadrupèdes (squelettes chez Marker, vivants chez
Gilliam), ou ces détails infimes : une statuette angélique dans
La Jetéetransformée en statue d'ange par Gilliam, et évidemment
le lieu central où se joue la tragédie, l'aéroport (ouvert dans
La Jetée, fermé dans L'Armée des douze singes). A visionner les deux
films l'un après l'autre, il est flagrant que l'œuvre de Gilliam est
absolument originale dans le même temps qu'elle est absolument
fidèle à La Jetée de Marker.